« Je vous aime. Je vous promets de vous écrire au moins deux fois par semaines. » À ce moment-là, tu ne savais pas que vous vous installeriez à Paris, seulement une semaine plus tard. Tout ce que tu sais, c’est que tu prends le plus grand risque de ta petite existence. Tu n’étais pas quelqu’un d’exceptionnelle, si ce n’était de par ton don que ta mère t’avait transmis. Du moins, c’était toujours comme ça que tu t’étais vue. Tu étais vraie, mais timide et tu avais toujours préféré l’ombre à la lumière. Cela faisait deux semaines jour pour jour que tu étais venue pour la représentation du Cirque deBussy. Le directeur du cirque t’avait complimenté, pour une fois quelqu’un avait l’air sincère et il représentait une opportunité que tu n’avais même pas imaginé rêver. Toi chanteuse? C’était étrange, du moins, pas quand on entendait ta voix puisque celle-ci était encore plus impressionnante que ton visage. Tu avais commencé par prendre une année sabbatique comme embaumeuse pour pouvoir essayer quelque chose de nouveau. Voilà ce qui t’avais poussé à atterrir dans cette petite ville italienne ou le cirque siégeait pour les deux prochains jours. T’as encore du mal à comprendre quel curage il t’es passé en toi pour que tu te retrouves seule ici, laissant tout ce que tu connaissais et adorais à la maison. Te voilà vers l’inconnu, quelque chose qui ne pouvait pas être planifiée, des tas de moments où tu ne pourrais pas te cacher dans un sous-sol. Non, vraiment, qu’est-ce que tu faisais ici? T’es à l’entrée du cirque, avec ta valise en cuir ensorcelée pour contenir la grande majorité de tes affaires personnelles, puis t’attends comme une cruche ne sachant pas trop quoi faire.

Tu t’attendais à ce que quelqu’un vienne t’accueillir. Ça faisait peut-êtrevingt-deux ou vingt-trois secondes que tu étais droite comme un piquée, pas comme si tu comptais les secondes, voyons. Une voix masculine te força à te dire que tu avais bien paniqué pour trop longtemps, comme si le temps c’était arrêté. Tu te retournes, toute souriante parce que tu es bien heureuse que quelqu’un t’appelle par ton nom. Pourtant, il arrête dans sa lancée quand il pose ses prunelles sur toi. T’es habituée, tu privais les mots de la majorité des gens que tu rencontrais, et ça c’était sans que tu ouvres la bouche. Ce don que tu avais, tu l’avais souvent vu comme une malédiction car tu aurais préféré qu’on te laisse tranquille, que tu te perdes dans la masse. Voilà pourquoi tu avais choisi de devenir une embaumeuse et de travailler pour la famille, jusqu’à ce qu’une bulle te passe par la tête et te donne des idées différentes. Tu te surprenais encore d’être ici et du simple fait que cet homme manque ses mots te rappelaient que tu devais finir par t’habituer de tes talents. « Ça va. C’est normal. » Nouveau sourire, tu viens même poser ta main sur la sienne, comme pour le réconforter. On sait tous que ça fait l’inverse, mais tu ne sais pas trop ce qu’ils ressentent toi. Toi, tu voulais seulement être perçue comme une fille sociable, alors que tes amis tu pouvais les compter sur ta main. « Désolée. » Là, c’est toi qui enlève ta main de la sienne, comme te rappelant que tu pouvais être empoisonnée. « Je suis bien Clara, merci de m’accueillir. Comment vous appelez-vous? » Ta main s’en vient porter sagement une de tes mèches blonde derrière ton Oreille. Tu étais damnée à convaincre les hommes que tu étais une créature enivrante, mais jusqu’à il y a deux semaines, tu avais toujours voulu le contraire. Tu espérais que ton idée de devenir chanteuse t’aiderait à prendre un peu plus de confiance en toi, un peu comme tu le faisait en abordant cet inconnu. Une fois qu’on te connaissait, tu étais intelligente, sensée, bavarde (trop même) et surtout assez amusante.